Le mythe du grand Tambour

Le mythe du grand Tambour commence par l’histoire du couple et de la famille humaine. Il raconte que : “Là-haut, sur la colline de la création, plus haut que les nuages du Rwenzori, Dieu Nyamuhanga le Créateur donna à chaque créature une mission.

La vache Ende portait entre ses cornes un grand Tambour Risingi. Dieu Nyamuhanga y avait placé deux êtres humains : Kisi le Grand Soleil et Nyabhandu, la mère des hommes. Chacun était assis sur sa chaise royale e’ndeve et y respirait le parfum d’encens o’bhukwa ; pour voir l’autre dans cette obscurité Dieu Nyamuhanga  avait donné à Kisi  et à Nyabhandu une conscience o’bhulhengekania et des cheveux bio-efflorescents qui brillaient comme la luciole (e’ngununu). Ce grand Tambour était le pays de la grande paix O’bhuthekane.

Un jour, la vache voulut se soulager. Elle regarda en bas et fit tomber le grand Tambour. Elle courut vers Dieu Nyamuhanga pour se faire pardonner d’avoir perdu sa charge royale. Dieu Nyamuhanga l’envoya se réconcilier avec ceux qui étaient assis dans le grand Tambour qui devint une pirogue en s’écrasant sur le lac Mutsyamiria (le lac Edouard aujourd’hui). Pendant que le grand Tambour descendait à pique, Kisi le Grand Soleil bouscula Nyabhandu la mère des hommes. Celle-ci émit la première parole des hommes qui est une interrogation : « que fais-tu Ukayira uthi ? » D’où l’éthnonyme Yira donné aux Nande pour désigner le peuple de ceux qui sont nés après la première parole de nos Ancêtres Nyabhandu et Kisi. Le village qu’ils ont fondé s’appelle bhuhikira, le lieu où ils ont atterri ; l’enfant qui y est né, s’appelle Mukira l’ancêtre du clan Bakir; ils eurent beaucoup d’enfants, qui sont les Ancêtres fondateurs de tout le clan YIRA avec toutes ses ramifications”.


La traversée sur le dos du Dragon (Omughongo we ndioka

Ainsi, selon la mythologie transmise de père à fils, les nande traversèrent la rivière Semliki, sur le dos du dragon pour parvenir à l’autre rive au Congo. A dire vrai, le passage se fit au gué de Kapanza. Au moment de la sécheresse, les pierres émergent de l’eau de sorte qu’on peut facilement traverser le fleuve.

Ce sont ces pointes de pierres qui ont été comparées au dos écailleux du dragon que la tradition narrative véhicule de père à fils comme une mythologie, avec une idée religieuse sous-jacente. Cette traversée mystérieuse fut rendue possible grâce à l’intervention de l’esprit Katulikanzira, qui précéda le convoi des immigrants et les installa au lieu de son choix.

Néanmoins, lors de la traversée, une partie des Nande resta en Ouganda sur la côte est des monts du Ruwenzori et de la rivière Semliki qui séparent le Congo de l’Ouganda. Ceux-ci sont actuellement appelés Kondjo. Ils furent séparés géographiquement et administrativement de leurs frères nande lors du découpage et du partage de l’Afrique entre les grandes puissances européennes en 1885. Ils gardent, toutefois, les mêmes us et coutumes que les nande hormis les nuances linguistiques en kikondjo.


Le mythe cosmogonique du Ruwenzori

La tradition Yira rapporte qu’un jour sur la colline de la création, le Dieu Créateur O’Muhangitshi exauça la prière des Nande qui étaient menacés par une famine due à une sécheresse très incendiaire. Il convoqua toutes les divinités célestes Bhalhimu qui se trouvent dans le monde pour le protéger. Il leur ordonna de transporter la montagne Ruwenzori pour aller la planter au milieu du pays des Nande qui manquaient terriblement d’eau.

Hangi l’Esprit de la providence et de la chance était au premier rang suivi de Mbolu la protectrice de la jeunesse féminine et Lusenge le protecteur de la jeunesse masculine. L’Esprit Kapipi le Maître de la forêt et de l’initiation à la sagesse, était au dernier rang entouré de sa meute de soixante-dix-sept chiens sacrés de la chasse. Le convoi comprenait aussi toutes les déesses chargées des présents à offrir en cadeaux à Dieu Nyamuhanga l’Etre Suprême dès leur arrivée au pays des Nande. Comme la Providence Hangi marchait très vite, l’Esprit Muhima le Grand Devin céleste, prétendit qu’il transportait seul la montagne Ruwenzori. Les autres divinités se fâchèrent et lâchèrent la montagne Ruwenzori pour faire comprendre au Grand Devin Muhima que seul, il était dans l’incapacité d’accomplir cette lourde tâche de transporter une montagne.

Pour calmer leur colère, l’Esprit de la Providence Hangi fit tomber la pluie sur tout le pays où sévissait la sécheresse. Il réconcilia tous les membres du cortège en les invitant au dialogue où la prise de parole fut donnée à chacun par l’Esprit Mulhekya le Pacificateur, joyeux d’avoir été rafraîchi par la douche céleste. Quand vint le tour des animaux de parler, le plus petit des chiens de la dernière meute de la divinité Kapipi adressa cette parole célèbre au Grand Devin Muhima : ” il faut savoir compter sur les autres “. C’est pourquoi le massif du Ruwenzori  est toujours là où les dieux l’avaient abandonné. Il n’a plus bougé, il continue à y faire couler l’eau fraîche de la Providence Hangi.

C’est la raison pour laquelle tous les rites de réconciliation entre les clans commencent par les gestes d’aspersion aux épaules et d’ablution aux pieds et la main avec de l’eau puisée au glacier du Ruwenzori ou Tsithwa –tsya- Nzururu qui veut dire la grande colline aux neiges éternelles en langue locale le kinande.